L’énergie marémotrice, comme son nom l’indique, est l’énergie fournie naturellement par la marée et les courants. L’idée, simple, est de profiter de ce cycle naturel pour faire tourner des turbines, qui pourraient alors produire de l’électricité, sans aucune émission de gaz à effet de serre. Une énergie verte utopique, qui a pris vie en 1966, en Bretagne, sous la forme de l’usine marémotrice de Rance, dans le cadre des grands travaux d’aménagement du territoire lancés sous De Gaulle. Mais 52 ans plus tard, quel est le bilan de cette usine unique au monde censée améliorer l’autonomie énergétique bretonne? Il s’avère que malgré la production d’une électricité « propre », l’énergie marémotrice telle qu’elle est utilisée en France est néfaste pour l’environnement, vis-à-vis des dégâts qu’elle a pu provoquer sur la faune et la flore locale.
Comment la construction du barrage a-t-elle détruit la faune et la flore locale ?
Il est important, avant toutes choses, de contextualiser dans quel cadre cet édifice a été construit. Premier, et unique site au monde utilisant l’énergie marémotrice, celui-ci a été conçu à la fois pour subvenir aux besoins énergétiques bretons, mais également pour servir de vitrine à la France: ce barrage d’un nouveau genre est une prouesse des ingénieurs Français, et souligne la puissance de l’ingénierie et de la construction française, ainsi que son avant-garde dans les énergies renouvelables. Pourtant derrière cette reluisante vitrine, la réalité du chantier est tout autre. Le site se compose en fait d’un barrage, bloquant l’accès à un estuaire. Lorsque la marée s’y engouffre, elle fait tourner des turbines qui fournissent de l’électricité.Quand la marée descend et que l’estuaire se vide, il en va de même. Ce système profite ainsi de l’énergie puissante offerte par l’océan.
Dans un estuaire comme celui-ci, la faune et la flore dépendent du niveau d’eau, ainsi que du caractère régulier de la marée. Les organismes vivants sont donc habitués à alterner entre submersion et exondation, et ce système fait partie intégrante de leurs modes de vie. Or, durant la construction du barrage, l’estuaire est fermé et aucune fluctuation n’est permise. Certains organismes se retrouvent continuellement immergés, d’autres submergés : l’équilibre est brisé et ces organismes se meurent. De plus, l’eau douce des fleuves se jetant dans l’estuaire continue d’arriver, provoquant une forte dessalaison de l’eau, qui perturbe également complètement l’écosystème estuarien : La faune et la flore disparaissent alors presque totalement de l’estuaire.
Un rythme artificiel inadapté au milieu naturel
Le problème ne s’arrange pas à la mise en marche du barrage. En effet, la marée est loin de reprendre son cours normal, puisque EDF, qui dirige le site de production, gère en fait les allées et venues de l’eau de l’estuaire selon les besoins en électricité. La fluctuation naturelle de la marée est brisée, et aucune notion de cycle n’est prise en compte. De plus, le niveau de mi-marée régulier, qui organise la répartition des espèces, n’existe plus, et ne permet donc pas à la faune et à la flore, déjà affaiblies par la construction de se reconstituer. De plus l’eau de mer stagnant artificiellement dans l’estuaire favorise l’apparition de dépôts de sédiments, créant de plus en plus de vasières. Outre une gêne esthétique pour les habitants de l’estuaire, les trop nombreuses vasières nuisent également à la biodiversité de la région.
Malgré la production d’une énergie sans rejets de gaz à effet de serre, l’énergie marémotrice apparaît donc comme néfaste pour l’environnement. L’idée est bonne, mais c’est sa mise en œuvre qui semble ici pêcher. Heureusement, des prototypes et de nouvelles idées apparaissent, utilisant la force des océans, notamment, le vent marin ou la force houlomotrice.